Fumez, c'est du local : la nouvelle tendance du cannabis en Europe


Une importante serre où est cultivé du cannabis, démantelée par la police à Kornik (Pologne), le 24 mars 2010.

Un "basculement". C'est ce qu'a connu ces dernières années le trafic de cannabis en Europe, selon Europol et l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT). Dans leur rapport sur le marché de la drogue (document PDF en anglais), publié jeudi 31 janvier, les deux organismes reviennent sur dix années d'évolution des pratiques en ce domaine.
Repli de la résine de cannabis au profit de l'herbe, trafiquants qui redoublent d'imagination pour dominer le marché... Francetv info vous dit tout ce qu'il faut savoir du visage du cannabis en Europe en 2013.

Consommation : les "grands" pays en tête

80,5 millions d'Européens âgés entre 15 et 64 ans ont reconnu avoir déjà fumé du cannabis. C'est à peu près l'équivalent de la population de l'Allemagne. Parmi eux, 16 millions reconnaissent en avoir fumé dans l'année. De quoi générer un important trafic : l'OEDT et Europol estiment à 2 500 tonnes la quantité de cannabis consommée chaque année dans l'Union européenne. Ramené au prix moyen de vente au détail, cela représente entre 18 et 30 milliards d'euros.
Fumer du cannabis semble également être une occupation d'Européen de l'Ouest et du Nord : c'est dans les pays les plus peuplés – et souvent les plus riches – que la proportion de fumeurs est la plus importante. "Les neuf pays dont plus de 20% des habitants ont déjà fumé – dont l'Allemagne, l'Espagne, la France, l'Italie et la Grande-Bretagne – représentent presque 70% de la population européenne", note le rapport.
En matière de consommation, chaque pays a sa spécificité. Plus des trois quarts du haschich (résine de cannabis, encore couramment appelée "shit") consommé en Europe l'est dans seulement trois pays : l'Italie, l'Espagne et la France. L'herbe, elle, a surtout les faveurs du Royaume-Uni et de l'Allemagne.

Production : poussée de la production locale de cannabis  

L'un des grands phénomènes mis en lumière par ce rapport concerne la culture du cannabis sur le sol européen : aucun des 29 pays étudiés n'a indiqué être épargné par cette pratique. Celle-ci concerne aussi bien les groupes organisés que les simples consommateurs, "qui cultivent des plants pour leur consommation personnelle ou celle de leurs proches, veulent s'assurer de la qualité du produit, ou encore se détacher des éléments criminels du marché".
Pour mesurer la progression de ce phénomène, qui se pratique tant en intérieur qu'en extérieur, le rapport se base sur les saisies de plants de cannabis par la police. De 2,5 millions de plants saisis chaque année en moyenne entre 2005 et 2009, l'Europe est passée à 4,6 millions en 2011. Près de la moitié des plantes arrachées cette année-là l'ont été aux Pays-Bas, où la production et la commercialisation du cannabis sont encadrés.
Conséquence de cette production "made in Europe", "le trafic transfrontalier de l'herbe a baissé de manière plus brusque que celui du haschich", note le rapport, au point que désormais, "la majorité des pays étudiés semblent relativement autosuffisants". Ainsi, le rapport relève que le poids moyen de l'herbe saisie par la police a chuté en dix ans. De 1,4 kg en 2011, il est passé à 300 grammes en 2011.

 Trafic : les organisations criminelles s'adaptent

Cet engouement pour la production locale a donné des idées aux organisations criminelles, qui cherchent à tirer des bénéfices de la drogue illégale la plus consommée en Europe. "Elles font fonctionner de grandes plantations, mais aussi – et c'est plus récent –, une multitude de petites installations dans plusieurs pays, dans le but d'atténuer les risques." Pour cacher les installations, les trafiquants font parfois appel à des partenaires inattendus : "Les personnes vulnérables, comme les personnes âgées, sont parfois approchées avec la promesse d'importants revenus, indiquent Europol et l'OEDT. Mais elles finissent par se faire exploiter."
La police française investit une serre où pousse du cannabis, le 4 décembre 2012 à Saverne (Bas-Rhin). Elle était gérée par une organisation criminelle qui faisait également passer clandestinement des immigrants vietnamiens en Europe.
La police française investit une serre où pousse du cannabis, le 4 décembre 2012 à Saverne (Bas-Rhin). Elle était gérée par une organisation criminelle qui faisait également passer clandestinement des immigrants vietnamiens en Europe.
(DCPAF / AFP)
D'où viennent ces filières de trafiquants-cultivateurs ? Des Pays-Bas, en ce qui concerne la Belgique et l'Allemagne, mais aussi du Vietnam, détaille le rapport. Ces dernières "ont pris de l'importance dans de nombreux pays européens", comme l'Allemagne, le Royaume-Uni et la France. "Hermétiques et très hiérarchisés, ces groupes se sont organisés avec des spécialistes : on trouve des électriciens, des plombiers et des gérants. Les jardiniers sont souvent des clandestins qui travaillent pour rembourser leur voyage", continue le rapport.
En parallèle, le trafic "classique" de résine de cannabis perdure. Le haschich venu du Maroc continue d'inonder l'Espagne (356 tonnes saisies en 2011) et le Portugal. Mais là aussi, de nouvelles tendances émergent. Le rapport indique que les trafiquants n'hésitent désormais pas à jeter à l'eau leur marchandise, préalablement équipée de traqueurs GPS, pour la récupérer plus tard.
Autre phénomène, plus marginal : l'utilisation de petits avions privés pour transporter de la résine entre le Maroc et la péninsule ibérique. Pour mesurer cette tendance, le rapport a une méthode un peu particulière : comptabiliser les crashs de ces engins. La plupart d'entre eux volent en effet très bas, de nuit et tous phares éteints, pour ne pas se faire repérer. Trente avions légers se sont ainsi écrasés au Maroc, en Espagne et au Portugal lors des six dernières années.

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